TheFork Awards 2021 : Rencontre avec Clément Dumont, lauréat du Grand Prix du Public
La seconde édition du prix organisé par TheFork, qui s’est tenue au Palais de la Bourse de Marseille, a pour objectif de mettre en avant les jeunes talents prometteurs de la gastronomie française parrainés par de prestigieux chefs étoilés et élus grâce au vote du public. Lundi 22 novembre, le chef Clément Dumont du restaurant Arbore & Sens a remporté le Grand Prix du Public aux TheFork Awards 2021.
Situé à Loches dans le Loir-et-Cher, c’est le restaurant Arbore & Sens du chef Clément Dumont parrainé par Christophe Hay, le chef doublement étoilé de La Maison d’à Côté à Montlivault, qui a remporté le Grand Prix du Public. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de son prix, de son histoire et de sa cuisine bien sûr !
Que représente ce prix pour vous ?
C’est une satisfaction et une reconnaissance de travail surtout.
Comme l’a si bien dit le chef Christophe Hay, quand on est jeune avec un peu d’ambition, être reconnu prend du temps. Ce prix des TheFork Awards est vraiment une reconnaissance qui prouve que les jeunes travaillent bien. Ça fait aussi beaucoup de bien à l’équipe, ils savent qu’ils y sont pour quelque chose. Les premières années sont toujours assez dures quand on ouvre un restaurant. Il faut du temps pour que ça marche, pour que le bouche à oreille fonctionne. Ce prix nous pousse à aller encore plus loin dans notre recherche. Il prouve que finalement ce qu’on fait n’est pas si mal, alors on peut continuer et chercher mieux encore !
Quel est votre lien avec votre parrain, le chef doublement étoilé et spécialiste du Val de Loire, Christophe Hay ?
On s’est rencontrés pour la première fois lorsque j’étais second de cuisine à l’Auberge Pom’Poire. Il est venu manger un jour et c’est la première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était en 2019. En parallèle, avec ma compagne Océane, nous étions en train de créer le projet Arbore & Sens. Avant d’ouvrir notre restaurant, on est allés rendre visite au chef, on a été manger à La Maison d’à Côté. C’est une cuisine qui me parle beaucoup puisqu’il défend fortement le terroir et le territoire et c’est aussi ce que nous avions envie de défendre dans notre futur établissement. Sa vision de la cuisine me parle beaucoup. Comme il le dit lui-même, il y a quelque chose chez nous qui lui plait et inversement. Quand on se voit, ça fonctionne et c’est quelque chose qui fait plaisir.
Expliquez-nous, que signifie le nom de votre restaurant “Arbore & Sens” ?
Il faut le prendre en deux mots et en un seul mot. “Arbore”, que ce soit visuellement ou dans l’assiette, c’est parce qu’on a voulu créer un lieu en connexion avec l’extérieur et la nature. C’est un univers très végétal, arboré, naturel. “Sens” parce qu’on a créé un lieu où tous les sens sont stimulés. Dans la salle par exemple, il y a un arbre qui dégage une odeur de sève boisée dans toute la salle, le fond musical fait référence à la forêt, on entend le bruit des arbres qui craquent, du vent, des oiseaux. On pousse notre démarche jusqu’à la vaisselle. Ensuite, il faut comprendre “arborescence” en un seul mot car c’est aussi une histoire de famille. Nous sommes trois sur le projet : ma compagne, sa sœur qui fait un bout de potager et il y a aussi mon grand-père qui nous aide en cultivant un autre bout de potager.
Quel est votre parcours ?
J’ai fait un Bac pro cuisine à Saumur où j’ai travaillé en apprentissage dans des maisons de cuisine traditionnelle. Dès que j’ai eu mon diplôme, j’ai été faire des saisons car j’avais vraiment envie d’apprendre la cuisine gastronomique. J’ai été d’abord à Courchevel et puis tout s’est enchaîné. Le directeur de l’Hôtel des Trois Vallées à Courchevel m’a envoyé à Saint-Barthélémy dans les Caraïbes où j’ai mis mon premier pied dans la cuisine gastronomique au restaurant Le Toiny auprès du chef Jean-Christophe Gille. Un très bon technicien qui avait été élu Toque en Or du championnat mondial. Le restaurant n’était pas étoilé mais on y était largement en termes de niveau, je peux le dire après avoir eu d’autres expériences dans des maisons étoilées. Au début, ça a été très dur et puis finalement, tellement formateur. Puisque c’était un Relais & Châteaux, un an plus tard, ils m’ont envoyé en Corse au Grand Hôtel de Cala Rossa dans un autre Relais & Châteaux. Ça a été notre maison formatrice à Océane et moi. On a fait trois saisons là-bas. Je suis arrivé commis puis j’ai fini premier chef de partie, j’ai gravi les échelons. La dernière année, ils ont ouvert un deuxième restaurant sur la plage, réservé aux clients de l'hôtel et dont j’avais la gérance. Je devais créer des menus, ça a été le commencement de mes premières créations. En 2018, on est partis un an en Australie avec Océane où j’étais chef sur un bâteau dans les fermes perlières. Océane m’accompagnait en cuisine. C’était une très belle expérience. Et puis on est revenus dans le Centre-Val de Loire dans l’intention d’ouvrir un restaurant à Loches. On avait déjà une idée bien précise de ce qu’on voulait faire mais en attendant de finaliser nos projets, de trouver nos partenaires (potiers, ébénistes etc.), on a continué à travailler tout en montant le projet. Ils cherchaient un second à l’Auberge Pom’Poire pour une période d’un an donc on est allés travailler là-bas. Et puis on a décidé de s’installer à Loches car la sœur d’Océane y vivait et on avait l’habitude de vivre chez elle entre deux saisons. On s’est pris de charme pour cette ville et puis... on se demandait souvent où aller manger là-bas… (rires)
Vous travaillez en famille, avec votre femme et votre belle-sœur. Quel est le rôle de chacun dans votre établissement ?
La sœur de ma compagne, Mayliss travaille (en partie) avec nous car elle connait très bien le terroir de Loches. Elle a fait tout le sourcing de nos produits, elle est allée rencontrer les maraîchers et les éleveurs pour nous faire une superbe sélection conforme à la charte de qualité que je lui avait donnée. Donc quand on s’est installés, ça a fonctionné tout de suite. Elle connaissait bien les producteurs avec qui nous allions travailler, et notamment leur démarche. On développe aussi une partie de notre potager chez elle ; les mûres sauvages, les noix viennent de là-bas. Mon grand-père travaille sur l’autre partie de notre potager, en particulier le verger et puis d’ici quelques années, les truffes que nous récolterons chez lui.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
Je lis beaucoup de livres et je trouve aussi mon inspiration chez les producteurs. Quand on est jeune, on apprend d’un chef. Quand on devient chef, il faut aller chercher l’apprentissage soi-même. La lecture est un bon guide pour s’ouvrir à différentes idées et visions des choses. J’aime aussi me balader dans le potager, rendre visite aux éleveurs et aux producteurs. Ça me permet d’avoir des déclics sur leur environnement et sur tout ce qui m’entoure.
Quelle cuisine proposez-vous ?
On propose une cuisine gastronomique même si ce mot est vaste. On va aller chercher des produits simples dont on va faire ressortir beaucoup de finesse et de raffinement. J’aime les cuisines fines et légères, c’est notre identité. C’est aussi une cuisine légumière. Souvent, je pense d’abord à mon légume et, dans un second temps, je lui associe une protéine. Même dans la composition de l’assiette, dans le dressage, il y a plus de matière végétale. J’ai aussi une cuisine très florale et herbacée. J’ai la chance d’avoir une cueilleuse à côté du restaurant avec qui on travaille sur plus de 35 variétés de fleurs et de plantes aromatiques que j’adore associer à ma cuisine.
Avez-vous un engagement éco-responsable ?
Oui, on essaye du mieux que l’on peut. Je pense que c’est très important. J’aime travailler les racines, les feuilles et les parures des légumes dans un esprit zéro-déchet donc on travaille beaucoup les extractions, on déshydrate les racines pour les faire frire par exemple. Dans notre quotidien, on travaille uniquement avec des producteurs locaux. Notre carte est à 85% locale, il y a juste les poissons de mer, les poivres et les chocolats qui viennent d’ailleurs. On a un compost au restaurant où on fait le tri. Je n’attache pas d’importance particulière aux produits labellisés, je pense qu’il vaut mieux aller voir comment ça se passe chez chacun des producteurs plutôt que de faire confiance à un label. Parfois, des producteurs sans label travaillent bien mieux que des producteurs labellisés. Et puis, deux fois par semaine, le mercredi et le samedi je vais au marché à pied où je récupère tous mes produits. Il n’y a donc pas de livraison et je ne prends pas mon véhicule. On a la chance d’avoir un très beau marché où se trouvent la plupart de mes producteurs.
D’ailleurs, quel lien entretenez-vous avec vos producteurs ?
Je vais les voir sur leur exploitation dès que je le peux et on se voit au marché deux fois par semaine donc, forcément, on crée un lien fort. On évolue ensemble, je leur fait des retours, on développe d’autres produits, ils ne sont absolument pas fermés. Avec Juliette, ma cueilleuse, on se voit tous les mois pour goûter, réfléchir aux associations, à ce qu’on pourrait faire ensemble. Pour rien au monde je changerai de région car le lien que j’ai créé ici avec chacun d’entre eux est très fort.
Quels sont vos projets futurs ?
Toujours faire mieux, pousser notre restaurant, proposer une meilleure prestation, une meilleure vaisselle, de meilleurs produits, une cuisine plus élaborée. Pour l'instant, on se concentre là-dessus !