Le métier de chasseur de talents dans le secteur de l'hôtellerie-restauration
Trouver le profil idéal à recruter s’avère parfois être plus compliqué que prévu.
Pour pallier ce manque, certains se sont spécialisés dans le recrutement de talents.
Rencontre avec Julien Dubos, chasseur de tête dans le secteur de l’hôtellerie-restauration.
- Pourriez-vous nous parler de votre parcours, comment en êtes vous arrivé à “chasser des talents” ?
J’ai obtenu un BTS en hôtellerie-restauration puis j’ai commencé ma carrière en Angleterre, à Londres, où j’ai évolué pendant huit ans. D’abord barman, je suis passé Chef de rang, Maître d’hôtel, Directeur de la restauration puis Directeur des bars. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré celui qui m’a fait découvrir ce métier. C’était un client de l’établissement où je travaillais. Il venait faire passer ses entretiens ici. J’ai eu l’opportunité de rejoindre son cabinet de recrutement en parrallèle de mon métier de l’époque. Je travaillais pour lui le week-end ou lorsque je ne travaillais pas à l’hotel afin d’arrondir mes fins de mois. C’est un métier que j’ai adoré dès le début.
D’abord, cela consistait à recruter des cuisiniers dans toute l’Europe afin de les faire venir à Londres, puis j’ai évolué. D’abord en tant que Chargé de recherche jusqu’à Consultant senior. Trois ans plus tard, j’ai décidé de m’installer à Paris où j’ai développé ma société. Je recrutais essentiellement en restauration. Je me suis agrandi puis j’ai rejoint le groupe anglo-saxon Eureka Executive Search avec lequel j’ai travaillé pendant une dizaine d’années aussi bien sur les bureaux londonien et parisien, que sur des bureaux satellites à Dubaï ou aux Etats-Unis. Nous recrutions des profils divers : des chefs, des directeurs d’hôtels ou même des postes supports de type RH, exclusivement dans le secteur de la food et de l’hospitality. Depuis deux ans, je travaille à nouveau à mon compte, après 25 ans d’expérience dans le secteur.
- En quoi consiste concrètement votre métier de “chasseur de talents” et comment procédez-vous pour recruter ?
Pour être chasseur de tête, il faut avoir une grande curiosité pour tous les métiers qui touchent au food et à l’hospitality. Ce que j’entends par curiosité c’est se cultiver, être en veille permanente, être aux aguets de tout ce qui se passe. Grâce à internet il est aisé d’avoir des renseignements, il faut s’en servir !
Il est indispensable d’être doté de cette curiosité afin de savoir où chasser dès que l’on reçoit une mission et que l’on établit un profil avec le client. Une fois ce profil “idéal” établi, on identifie 50 à 200 sociétés ou profils à chasser. Le timing ne sera pas forcément le bon au moment où l’on va le chercher mais il faut quand même le faire. Concernant la méthode, nous utilisons le réseau social LinkedIn et postons également des annonces sur des sites dédiés. Mais ce qui me sert surtout c’est la base de contacts que je constitue depuis vingt ans. Je suis de près la trajectoire des gens que je rencontre et c’est aussi grâce à cela que j’ai les meilleurs candidats, parce que je les connais et je les ai préalablement sélectionnés pour intégrer ma base de données. Sur certains postes, on va envoyer un mail d’accroche en proposant une opportunité, sur d’autres postes plus spécifiques, nous appelons directement les profils repérés. C’est toujours plus percutant de prendre son téléphone et d’appeler.
Aussi, nous mettons un point d’honneur à répondre aux mails et à être de bons communiquants. Je réponds à toutes les demandes, même si parfois je mets un peu de temps. De nos jours, beaucoup de gens n’ont plus la courtoisie de répondre. Selon moi, il faut rester le “nice guy” car un jour ou l’autre, ces personnes là pourront être amenées à vous aider à recruter le bon candidat.
- Qui sont vos clients ?
Mes clients sont très diversifiés. Il y a des groupes hôteliers indépendants (dont 80% sont des hôtels 4* ou 5* ), des groupes de restaurants, de restauration collective et également des restaurants indépendants. Il y a aussi des palaces qui ont généralement de grands besoins de recrutement et aiment s’adosser à un cabinet de chasse. Je constate qu’il y a plus de demande dans le secteur de la restauration que dans celui de l’hospitality, où le turnover est plus faible. En règle générale, si le poste recherché et le client sont intéressants, on prendra la mission, cela permet de varier les plaisirs.
- Avez-vous constaté ces dernières années des changements dans le profil des talents recherchés par vos clients ?
Il y a quelques années, un restaurant 1* Michelin à Paris m’avait confié le recrutement d’un sommelier pour sa cave à vins en précisant qu’il souhaitait sortir des codes traditionnels et trouver un profil de sommelier plutôt décontracté et très souriant. Je leur ai trouvé la perle rare, ils ont tout de suite accroché !
Oui, les profils évoluent. Aujourd’hui on voit arriver bien plus de profils de juniors pour manager dans les établissements. C’est déjà le cas en Angleterre depuis une trentaine d’années et ça commence à arriver en France. On a tendance à rechercher des cadres plus jeunes qu’auparavant pour décomplexer ces métiers. En France jusqu’à il y a encore deux ans, il était interdit de porter de la barbe pour travailler dans un palace ! Aujourd’hui, c’est autorisé. Les clients préfèrent être servis par des jeunes en baskets avec un jean et une chemise plutôt qu’un serveur en uniforme…
- Quel est le profil-type du candidat idéal ? Vous arrive-t-il parfois de proposer des profils du type “outsider” à vos clients ?
Pour un directeur de la restauration par exemple, le profil type c’est une école hotelière ou une école de commerce avec une spécialité “hospitality”. Au cours de ces vingt dernières années, nous avons compris qu’un candidat sortant d’une école de commerce avait un profil intéressant. Il faut qu’ils aient un bac + 3 minimum, voire même, un master. Concernant le parcours, les gens sont assez ouverts. Vous pouvez avoir vécu à l’étranger ou changé plusieurs fois de poste, il faut seulement rester dans la thématique des établissements pour lesquels vous postulez.
Tout cabinet de chasse aime bien proposer un candidat outsider dans sa sélection de profils. La grande majorité du temps, le client dira qu’il aime bien son profil mais comme il a besoin d’être rassuré, son choix final se portera sur un profil plus classique. Nous sommes en France… Les codes recherchés sont encore très classiques. Ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons.
- Avec la pandémie, quels changements avez-vous constaté dans le recrutement au sein du secteur ?
La pandémie a eu une conséquence positive : tout le monde s’est mis au digital. Dans nos métiers, on était très en retard. Là, nous n’avons plus eu le choix. Concernant les points négatifs, sur Paris, 15% à 20% des salariés du secteur ont décidé de quitter la capitale pour exercer leur métier ailleurs. D’autres ont même été jusqu’à la reconversion. Malheureusement, je crains que ce phénomène ne s’accentue encore davantage dans les mois à venir dans la mesure où certains salariés ne pourront plus toucher leurs aides. Les difficultés à recruter risquent donc de perdurer encore quelque temps....
- Si vous aviez un conseil à donner aux candidats lequel serait-il ?
Actualiser très régulièrement son profil LinkedIn, c’est essentiel ! Et aussi, se définir un objectif professionnel précis sur les cinq prochaines années. Savoir ce que l’on souhaite faire même si, je le conçois, c’est plus facile à dire qu’à faire !