Prix Jeune Cheffe Elle à Table TheFork Awards 2021 : Rencontre avec Mariana Mateos du restaurant Momento à Bué
Mariana Mateos, cheffe du restaurant Momento à Bué dans le Sancerrois a reçu le Prix Jeune Cheffe Elle à Table remis par Danièle Gerkens, directrice des rédactions de Elle, à l’occasion des TheFork Awards.
Parrainée par Hélène Darroze, Mariana Mateos a passé cinq ans à Paris auprès de la cheffe cinq étoiles au Guide MICHELIN et figure historique de l’émission Top Chef.
Après avoir parcouru le monde et ses influences culinaires, Mariana Mateos et son compagnon Thomas Jacquet, sommelier et chef de rang, ont ouvert le restaurant Momento en mars 2019. Une maison d’exception qui propose une cuisine moderne aux influences du monde et ponctuée par des vins emblématiques de l’appellation Sancerre. TheFork les a rencontrés pour qu’ils nous parlent de leur victoire et de leur aventure hors du commun.
“TheFork Awards” est le premier prix du public qui a pour objectif de révéler une nouvelle génération de chefs prometteurs dans toute la France. À l’occasion de cette seconde édition, TheFork Awards tient aussi à soutenir les jeunes chefs qui ont ouvert leur établissement dans un contexte difficile de crise sanitaire. Ce prix, c’est avant tout le prix du public et de la communauté TheFork qui a pu élire son adresse préférée parmi une sélection de restaurants parrainés par des chefs étoilés de renom.
Que représente ce prix pour vous ?
Mariana Mateos
Ce prix représente beaucoup de choses. Cela fait onze ans que je travaille dans le milieu de la cuisine en France. Cela n’a pas été toujours facile, surtout en étant une femme et qui plus est, étrangère. C’est la première reconnaissance de ma carrière qui récompense mes sacrifices, les rencontres que j’ai pu faire et la passion que j’ai mise dans mon travail.
C’est la première petite lumière qui signifie que je suis arrivée à un tournant où je fais briller mon équipe et tout ce que j’ai fait au cours des dix dernières années.
Quel est votre lien avec votre marraine Hélène Darroze ?
Mariana Mateos
J’ai commencé ma carrière avec Hélène Darroze en 2009.
J’étais à l’Institut Paul Bocuse et en première année, j’ai choisi de faire mon stage auprès d’elle. J’ai tellement aimé l’équipe et cette expérience qu’en 2010, après mon diplôme, j’ai décidé de revenir car je m’y sentais vraiment bien. J’ai rencontré le chef Frédéric Duca qui m’a formée et j’ai beaucoup appris en très peu de temps. Je sentais que c’était l’endroit où il fallait que je commence ma carrière professionnelle. J’y suis restée trois ans et demi et puis j’ai décidé de suivre mon chef exécutif Frédéric Duca pour de nouvelles aventures...
Racontez-nous votre histoire et celle du restaurant Momento
Thomas Jacquet
Mariana et moi nous sommes rencontrés chez Hélène Darroze. Elle était cheffe de partie aux poissons et moi j’étais chef de rang. On a vécu un moment d’apprentissage magnifique, c’était une très belle maison où on a vu les plus beaux produits qui puissent exister.
Mariana Mateos
Après, on a décidé de suivre Frédéric Duca au restaurant l’Instant d’Or avenue George V à Paris où on a décroché une étoile. Tous les trois, on est devenus une famille. On a décidé de le suivre à New-York où on a travaillé ensemble pendant trois ans à l’ouverture du restaurant Racines.
C’est une ville très différente de Paris. Il faut être partout, performant, compétitif, et manager des équipes qui n’ont pas le même code du travail qu’en France. Parfois, on faisait plus de management de personnel que de cuisine. Au bout d’un moment, on s’est dit qu’on avait envie de travailler pour nous. Moi je me sentais prête à m’exprimer dans ma cuisine grâce à mes expériences à Paris, Tokyo, New-York et à mon pays, le Mexique. Thomas, lui, s’exprime par sa carte des vins. On a une magnifique cohésion qui représente notre maison Momento aujourd’hui. Il est amoureux des vins, moi de la cuisine et on est tous les deux amoureux l’un de l’autre. Je pense qu’aujourd’hui c’est cela qu’on exprime à nos clients. Quand vous ouvrez la porte de Momento, toute l’équipe est en cohésion et heureuse d’être là. On passe même nos week-ends ensemble parfois ! Ici, vous ne venez pas seulement au restaurant, vous venez chez nous.
Comment définiriez-vous votre cuisine ?
Mariana Mateos
Ma cuisine est un joli mélange de notre parcours, de nos racines, des gens qu’on a rencontrés tout au long de notre trajectoire. C’est une cuisine qui a beaucoup de métissages, et pas seulement mexicains ! J’ai été élevée dans une école japonaise de la maternelle jusqu’au lycée et le Japon influence grandement ma vie. Notre expérience aux Etats-Unis a aussi beaucoup impacté ma cuisine. Enfin, je dirai surtout que le fait d’être un couple franco-mexicain participe à influencer notre cuisine car lorsque la cuisine française se mélange avec d’autres produits et d’autres idées, c’est magique et peu commun. Chaque chef a sa signature, la mienne, c’est mon vécu.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
Mariana Mateos
Pendant dix ans, je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne à faire la cuisine comme ils la font en France, que ce soit au niveau de la culture, des techniques, des saveurs, ou de la connaissance des produits. Je me disais qu’il fallait que je me fonde dans la masse.
Aujourd’hui, quand je me souviens de ce que je mangeais petite ou de moments de joie, j’essaye de les mettre dans mes assiettes et de les partager avec les gens. Après, bien sûr, je suis inspirée par d’autres chefs. Par exemple, je suis fan de Daniela Soto-Innes, une cheffe mexicaine qui a été élue meilleure femme cheffe au classement 50 Best. Elle a énormément de talent. Ce sont donc aussi les gens qui m’inspirent à faire des choses différentes.
Vous avez reçu le Prix Jeune Cheffe Elle à Table, que pensez-vous de la place des femmes en cuisine, trouvez-vous qu’elles sont plus considérées ces dernières années ?
Mariana Mateos
Je pense que si une femme arrive à un certain niveau en cuisine, c’est parce qu’elle l’a voulu, qu’on oublie tout et qu’on a envie de donner son âme, son esprit et même son corps. Soit on le fait, soit on ne le fait pas, on ne peut pas le faire à moitié. C’est beaucoup de sacrifices, surtout pour des femmes car il y a énormément de choses à considérer. En fait, c’est comme si on était un cheval avec des oeillères : on tire jusqu’au point où l’on se dit que c’est une belle reconnaissance, qu’on a atteint un certain niveau et c’est à ce moment là qu’on apprécie mais il ne faut pas oublier que le chemin a été très dur.
Je suis heureuse aujourd’hui de faire partie des femmes qui représentent tout ce travail et ces sacrifices car je vis pour ma cuisine, mon travail, mon équipe et je le referai quatre fois si je devais le refaire. Les femmes qui arrivent à ce niveau là c’est parce qu’elles ont tout mis de côté. Si on peut être inspirantes pour d’autres femmes, alors c’est du beau boulot.
Quels sont vos projets futurs ?
Mariana Mateos
Après trois ans d'ouverture, on est très bien installés, bien que, passer de New-York, une ville où on est complètement inconnu, à un village de 350 habitants comme Bué, ça fait drôle ! Depuis trois ans, je constate une très belle évolution de ma cuisine, de mon équipe et de mon projet. Dans le futur, on aimerait agrandir le restaurant et proposer une offre d’hébergement. On aimerait aussi ouvrir des bistrots, des cafés... mais tout ça prend du temps !